Didier Betmalle

Alzheimer… Même toi, on t’oubliera… est d’une densité et d’une intensité fiévreuses: Léa ouvre, lit et commente la lettre testamentaire du docteur K. (sa grand-mère Norma), une quinzaine d’années après qu’elle a été rédigée à son intention. Ce texte a l’énergie particulière qu’on reçoit comme un flux de confidences, à soi destinées. On est pris par le flot vif, véhément, rageur, et pour le plaisir de cet emportement, pour la sensation grisante de rapidité, on sacrifie parfois la pleine compréhension du discours du docteur K., dont les réflexions — sur l’Alzheimer principalement, mais pas seulement — présentent une complexité certaine, et demandent toute la concentration et la disponibilité du lecteur.
Mélanie Talcott, que je ne connaissais pas, c’est une voix qui roule comme un torrent, un torrent qui ravine les sols pour mettre à jour leurs couches constitutives, une force élémentaire qui lui permet de sonder son époque et de livrer son examen d’un ton très libre, à la fois sévère et plein d’humour. De ce point de vue le portrait que Norma dresse de l’homme du XXIe siècle est un morceau très réjouissant. Le goût de la formule est un puissant moteur d’écriture, et chez Mélanie Talcott on sent que ce n’est pas une simple complaisance de style, mais un véritable outil de percussion, un instrument de chantier pour briser la persistance des sous-couches d’idées toutes faites, concasser les automatismes du raisonnement.

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